Sam, la musique et vous ? Racontez-nous.
« Enfant, mes parents m’inscrivent à l’école de musique où je ne comprends rien à la théorie qu’il fallait pratiquer deux ans avant de toucher un instrument… Devant cet échec, ils me font donner des cours particuliers par une dame, qui, bien que française et s’exprimant fort bien, tient des propos qui sont aussi obscurs pour moi qu’une langue étrangère…
Donc, la musique… je n’ai longtemps fait que l’écouter - à la radio principalement - Sans être capable de retenir le nom ( anglais donc, incompréhensible) des artistes qui la jouaient (Booker T and the M.G's, Diana Ross and the Suprêmes, Eddie Floyd,..., ...). J'apprends par cette occasion à chanter en yaourt ou en lavabo: je me souviens encore de "And the beat goes on" de Sonny and Cher devenue "Ha bi gonzess"...
En 73, j’ai 14 ans et je découvre un disque, déjà vieux pour l’époque, Elvis Presley « His Hand in Mine » (le premier black d'occase officiel). Cette musique fait le lien entre les chansons anglo-saxones incompréhensibles mais si attirantes, l'icône rock'n'roll, et les cantiques (le style le moins mal vu, à la maison).
En 74, je rencontre deux guitaristes, l’un d’eux, Jean-Michel Vallot, de formation classique, joue du picking et s’accompagne en chantant (et deviendra professeur de musique), l’autre, Louis Martinez, ne jouera jamais plus que ce qu’il me montre alors : le riff de « What’I’d say ». C’est le déclic : je veux jouer de la guitare !
Il me faut attendre février 76 pour me payer, en Espagne, avec de l’argent reçu à Noël, une guitare classique qui valait 130F (env 20€) ; tout ce que je pouvais y mettre. J’apprends mes premiers accords sur « la Ballade de Sacco et Vanzetti », du picking avec la méthode à Dadi, le riff de « What’I’d say »,… mais, je ne joue jamais aussi bien que tout seul et je n’arrive pas à retenir un seul morceau en entier… C’est toujours le cas…
En 77, parce que j’ai réussi le concours d’entrée à l’École Normale, mes parents me paient ce que je désire le plus : une guitare électrique et un ampli (avec la courroie et le jack) ! C’est une imitation rouge de la SG Gibson sur laquelle je joue comme j'ai appris sur la classique ! Je l’inaugure en public et en groupe pour la cérémonie de mariage d’une narbonnaise et d’un garçon de Pau (Lucien, qui deviendra 15 ans plus tard, un véritable ami avec qui je partage beaucoup de choses). À partir de là, la même formation (piano, batterie, saxo et guitare) accompagne les chants pendant les célébrations (dans les églises évangéliques, les fidèles chantent longtemps et tapent dans les mains ; un peu comme dans les églises qu’on voit dans les films américains). La pianiste, pleine de patience avec moi, m’écrit les accords dans les partitions des 900 cantiques des deux recueils en fonction à l’époque ; j’apprends très vite à faire les accords barrés car je n’ai pas le temps de mettre un capodastre entre les chants et je me trompe tout le temps en transposant. Je rencontre, alors, alors un musicien américain, Burt Fagan qui me montre en un quart d’heure, comment associer une gamme et son doigté à une tonalité et un accord. Les schémas qu’il me griffonne à la va-vite sur un bout de papier vont m’ouvrir de grands espaces musicaux.
En 80, je pars pour deux ans en Afrique, marié, mais sans guitare. …Les jours sont malgré tout, longs ; c’est une missionnaire belge qui me prête sa guitare pendant quelques mois ; puis j’achète, à un américain qui a un excédent de bagages, une folk « Madeira » (sous-marque très officielle de Guild) qui, pour avoir fait le voyage depuis les States dans la soute d’un avion, est cassée à la jonction manche/caisse. Un boulon de 10, deux rondelles et de l'Araldite vont la réparer et me permettre d’intégrer tout ce que m’a montré Burt Fagan, en jouant toutes les mélodies que je pouvais chanter.
Nous rentrons en France en 82, où les radios ont envahi la bande FM. Dans un supermarché, j’entends « Sultans of Swing » ; je vais demander au responsable de l’animation qui est ce chanteur ? « Dire Straits » devient ma référence. J’écris quelques textes pour le groupe « Quo Vadis » dont le leader était Franck Renaudier (aujourd’hui D.A. chez Séphora Music). J’accompagne la chorale gospel « Espoir » qui accepte, sous ma pression, de chanter des chansons d’Elvis Presley dont j'adapte les textes en français. C’est à cette époque-là qu’un ami me prête le disque d’Eric Clapton « Just One Night » et que je prête ma vieille folk à Janfi qui s’en sert comme …une basse.. pendant que je découvre le blues de manière rétro-active…
Quelques années ensuite, Janfi participe avec moi, à l’aventure du groupe « Sirocco » où Alex Sap (actuellement directeur de RECALL RECCORDS) joue de la trompette et de l’orgue. Nous jouons de tout : rock, blues, standards, cantiques,…pourvu qu’il y ait des solos… On ne joue même que les solos, parfois… C’est l’occasion de galères mémorables : mon ampli qui fond dans une cafétéria ce qui m'oblige à me servir de l’amplification de l’orgue d’Alex. Une autre fois, il nous faut aller chercher tout le courant électrique du concert chez une brave dame qui vit à côté. Ailleurs, ce sont des intercalaires de classeur en plastique transparent fument sur les spots parce que c’est la seule chose que nous avons pour colorer la lumière des halogènes. Parfois, c'est avec des suspensions pour assiettes décoratives qu'on fixe les micros… Mais ce sont aussi de grands moments d’amitié : Alain Sap (le père d’Alex) nous emmène voir Eddie Floyd, Duck « Dunn », Matt « Guitar » Murphy et Steeve Crooper à …Montagnac, on passe quelques soirées à regarder les vidéos de Mark Knopfler, Al Di Méola et Paco de Lucia,… Ou même Batman (Nobody is perfect)... Le groupe se dissout pour cause d’études.
Je perds quelques guitares dans un cambriolage (une Höfner des années 60 gainée de plastique imitation lézard rouge du meilleur goût, une Ovation grise, ma copie SG et une chouette guitare équipée de Di Marzio… Les deux vieilles : la classique et la folk, qui maintenant est à Larry, échappent au pillage). J’achète donc un système d’alarme et une stato… grise métallisée, comme Eric Clapton…
Il faut attendre 2002, pour que Sylvain, complètement inconscient de la misérabilité de mon niveau musical, me propose de jouer dans « Blacks d’Occase » où la « charité » des autres musiciens (qui sont, avant tout, des gens (ré)unis par des sentiments) me permet d’assouvir mon goût immodéré pour les sons saturés (et, aux dires de Sylvain, des solos à rallonge). Ce groupe, non content d'être formé de passionnés aimant les mêmes styles musicaux, a une autre dimension: celle de son message. En effet vite lassé de paroles que seuls des initiés peuvent comprendre, nous abandonnons notre répertoire commun (des gospels relativement modernes) pour des compositions originales. Nous y parlons de nos héros (des gens du commun (Rosa Parks) qui ont servi de déclencheurs à de grandes causes et de grands bouleversement sociaux), nous partageons notre regard sur la société, nous exprimons notre façon de voir les choses dans la monde qui nous entoure; "Blacks d'Occase" est un élément de la construction de notre liberté personnelle; et quand on chante la musique qu'on inventé les esclaves, c'est doublement appréciable. »